Christophe Singer, la théologie pratique
Nous poursuivons nos rencontres avec les enseignants de l’Institut protestant de Théologie (IPT) avec Christophe Singer, Professeur de théologie pratique.
Née il y a deux siècles comme discipline académique, la théologie pratique consistait alors à apprendre les principes de ce que l’on appelait le « gouvernement de l’Église », c’est-à-dire le ministère pastoral au sens large. Son champ s’est progressivement élargi. Elle conçoit aujourd’hui sa tâche comme une contribution à la réflexion théologique en partant de l’analyse des pratiques et des questions qui se posent dans la vie des groupes (Églises et autres) et des individus (chrétiens et autres). Le théologien pratique interroge la « religion vécue » à la lumière de la Bible et des traditions théologiques dans lesquelles il se reconnaît.
Il s’intéresse par exemple à la manière dont s’inscrit – ou pas – dans les pratiques l’orientation d’une théologie protestante qui pose que le salut – disons la paix, la joie et l’espérance de l’existence – repose sur la foi seulement, c’est-à-dire sur une relation de confiance avec le Dieu révélé en Jésus-Christ.
Deux écueils
Dans cette perspective, le théologien pratique doit se garder de deux écueils. Le premier serait d’évaluer les pratiques trop directement à l’aune de cet Évangile du sola fide et de prétendre par-là les améliorer : l’Évangile fonctionne alors comme une théorie à appliquer (on dira plus diplomatiquement « un message à vivre »), voire une cause à défendre, bref une loi. Or le théologien, disait Luther, c’est précisément celui qui sait distinguer l’Évangile de la loi.
Le deuxième écueil serait de faire comme si l’Évangile était une sorte de blanc-seing à l’immobilisme, une grâce – théorique elle aussi – posée comme principe de départ sur l’existence. Ainsi, toute remise en question deviendrait optionnelle, et les chrétiens seraient finalement laissés à leurs désespérantes contradictions, desquelles ils pourraient toujours se divertir (car il faut échapper au désespoir) par des formations techniques qui leur donneraient l’illusion d’être efficaces.
Théologie et Évangile
Comment l’Évangile peut-il orienter pratiquement la vie d’un individu, d’une Église, sans devenir une loi ? Comment une loi peut-elle concrètement aider à vivre sans prendre la place de l’Évangile ? Ce sont les questions qui depuis quelques années animent un de mes lieux de recherche, qui n’est autre que l’apparente préoccupation principale – en tout cas revendiquée comme telle – des Églises luthéro-réformées depuis un quart de siècle : l’évangélisation.
Avant de proposer des bons conseils et des méthodes, le travail du théologien pratique consiste à analyser ce qui se dit dans l’affirmation récurrente de la centralité de l’évangélisation (du témoignage, c’est plus consensuel) pour la vie de l’Église, ainsi que dans les paradoxes des discours qui la promeuvent. En particulier quand ils sont liés (entre autres par de multiples dénégations) à l’inquiétude devant l’avenir que dessinent les statistiques. Annoncer une bonne nouvelle par peur de mourir ? Voilà une question dont la réponse ne peut être que… l’Évangile lui-même !
En savoir plus
A la rencontre des enseignants de nos facultés de théologie :
- Elian Cuvillier, Directeur du master « Église et Société » IPT, facultés de Montpellier et de Paris
- Guilhen Antier, Professeur de dogmatique
- Olivier Abel, Professeur de philosophie et d’éthique
Institut Protestant de Théologie : https://ipt-edu.fr/