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Bible

À l’été de la Saint Matthieu

30 juin 2023

Cet été, nos listes de lecture nous proposent de (re)lire le livre qui ouvre le Nouveau Testament : l’évangile attribué à Matthieu.

Matthieu, selon la tradition, aurait été le scribe juif rencontré par Jésus et devenu chrétien dont il est question en Matthieu 9.9. Jésus lui-même ferait allusion à son travail en Matthieu 13.52 quand il évoque un maître de maison qui puise dans son trésor des choses anciennes et nouvelles. Les choses anciennes renverraient aux nombreuses citations de la Bible juive dont le premier évangile est le plus friand. Les choses nouvelles désigneraient les enseignements de Jésus comme ses paroles ou encore ses interprétations des textes anciens parfois en rupture avec celles qui avaient cours en son temps (« vous avez entendu qu’il a été dit… mais moi, je vous dis… »).

Même si cette attribution n’a rien d’impossible, il semble peu vraisemblable que l’évangéliste fût un contemporain de Jésus. S’il s’agit effectivement d’un chrétien d’origine juive, grand nombre d’exégètes contemporains pense que notre auteur vivait 50 ans au moins après la mort de Jésus, peut-être en Syrie, où il aurait composé son ouvrage en puisant dans les textes qui circulaient déjà dans sa communauté.

Une violente polémique

Par l’élaboration de ce nouvel évangile, notre homme (ou notre femme, nul n’en sait rien) souhaitait, semble-t-il, faire le lien entre le riche patrimoine juif fait de respect de la loi et d’une connaissance approfondie des Écritures d’une part et, d’autre part, la nouveauté et l’ouverture à l’universel apportée par le Christ. Quand il cite les Écritures bibliques, c’est pour souligner qu’elles s’accomplissent au fil du ministère du messie Jésus. De là aussi la structure de l’ouvrage au cours duquel Jésus livre au monde cinq grands discours, cinq selon le nombre des livres de la Thora attribués à Moïse.

La toile de fond de cet évangile reste la violente polémique contre les scribes et les Pharisiens. Or ces derniers furent pourtant, à n’en pas douter, sur un plan théologique, les plus proches de Jésus. Dans le long chapitre 27 qu’il consacre à la passion de Jésus, aucun pharisien n’apparaît à aucun moment. On ne saurait leur imputer le crime perpétré par les Romains et leurs alliés sadducéens manipulant la foule.

Un conflit plus tardif

Comment alors rendre compte de la polémique contre les Pharisiens, plus que violente à certains moments ? C’est qu’au travers de ce courant, il est possible de lire une allusion au mouvement rabbinique qui, après la destruction du temple de Jérusalem, va se faire l’artisan du renouveau du Judaïsme et donc, dans le même temps, l’adversaire déterminé de son concurrent chrétien. Certains des rabbins dénoncèrent alors l’idée que le messie serait venu dans la personne d’un prédicateur de la Grâce crucifié par les Romains. Le conflit qui se dessine donc au fil des pages de l’évangile serait sans doute moins celui qui a emporté Jésus que celui qui faisait rage un demi-siècle plus tard au temps de la composition de l’évangile.

Au soir de la résurrection, Jésus n’envoie-t-il pas les onze apôtres dans le monde entier pour susciter de nouveaux croyants au sein de tous les peuples, enseigner toutes les paroles du Maître et baptiser sans discrimination toutes celles et tous ceux qui le souhaitent au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Le passé des textes transmis comme le présent et le futur de la bonne nouvelle du Royaume des Cieux annoncé au monde entier sont ainsi présentés en termes de globalité : l’ensemble formé par les Écritures juives et les paroles de Jésus est transmis à la totalité des humains pour qui ils deviendront vecteurs de salut.

Aussi cet évangile nous est-il adressé à nous, gens du 21e siècle, disciples issus de toutes les Nations que nous sommes appelés à rencontrer aux carrefours de notre été.

Jean-Pierre Sternberger
Bibliste régional Centre Alpes Rhône

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