Luther et la sexualité

Une théologie du corps incarné

01 octobre 2017

L’œuvre de Martin Luther en faveur d’une valorisation du mariage est connue. Mais peu de gens savent que celle-ci s’est accompagnée d’une modification profonde de l’image de la femme et d’une libération de la sexualité conjugale. Pour l’ancien moine augustin, le vœu de célibat est un don de Dieu rare, si rare « que beaucoup de prêtres [détournent] ce vœu de continence en vivant dans le célibat. »

 

Pour un bon nombre de théologiens du Moyen Âge, la sexualité est le péché et la femme en est sa porte d’entrée. Elle est perverse par nature. Elle a une libido dévorante et excessive par laquelle elle débauche les hommes qui passent près d’elle. Luther se détache de cette vision. Pour lui, le péché n’est pas dans la sexualité mais dans le fait, pour l’humain, de se « recroqueviller sur lui-même », de s’ériger en petit dieu sur son monde en rompant avec le seul vrai Dieu. Sur ce plan-là, la femme n’est ni plus ni moins pécheresse que l’homme. Cette vision différente de la femme, ce refus de considérer les femmes en soi comme des catins, a une conséquence importante : Martin Luther encourage la sexualité du couple et condamne la prostitution. En fait, si le réformateur est favorable à une sexualité épanouie, il condamne sévèrement toute activité sexuelle hors-mariage (adultère, prostitution, concubinage…) ou égoïste (masturbation).

 

© Pedro

Luther redonne toute sa place au corps © Pedro

Déculpabilisation

Cette valorisation de la sexualité entraîne une déculpabilisation de la pratique sexuelle. Martin Luther aime les femmes. Il critique l’Église catholique qui contraint au célibat et à la chasteté et pousse même certaines personnes à la castration. Pour sa part, il préfèrerait « qu’on [lui] en mît deux paires en supplément, plutôt que de [s]’en laisser couper une ». Une manière de dire qu’il assume son désir, sans honte et sans fard. À l’en croire, peut-être même un peu trop. En effet, à son ami Spalatin, qui s’étonnait qu’avec sa réputation d’amant, il soit encore célibataire, Luther répond : « J’ai eu en même temps trois femmes ».

 

Valorisation

Soulignons que cette valorisation de la sexualité va conduire Martin Luther à mettre en avant le couple. Il dira par exemple que « L’homme ne devient un être humain qu’en trouvant la chair qui lui est destinée ». Enfin, cette prise en compte de la sexualité va permettre à Martin Luther de s’engager dans une théologie du corps. Il le fait au nom de l’Incarnation de Dieu en Christ. Si Dieu a choisi le corps humain pour se révéler, c’est que celui-ci est estimable, tant « notre chair et notre sang, [que] notre peau et nos cheveux, nos mains et nos pieds, notre ventre et notre dos » et même notre sexe pour aller au-delà de la citation mais dans son esprit.

Christophe JACON
journal Ensemble

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