Rire en Église - Un humour protestant ?
Humour, autodérision, blagues : les protestants ont une image d’austérité qui leur colle à la peau. Mais finalement, ne savent-ils pas rire comme les autres ?
Austère ? vous avez dit austère ? Voilà comment les protestants sont qualifiés. Mais en réalité, est-ce un retour de l’image envoyée par notre société contemporaine ou bien est-ce une qualification auto-reconnue par les protestants eux-mêmes ?
Un humour réformateur ?
Il faut reconnaître que Martin Luther puis Jean Calvin, dans leur réforme respective, ont aussi lutté contre certaines débauches de l’Église de leur époque. Et même si chez nos deux réformateurs nous pouvons trouver des notes d’humour, c’est toujours à des fins spirituelles. Les Propos de table de Luther ou le Traité des reliques de Calvin laissent place à l’humour. Mais peut-on le qualifier d’humour protestant ?
L’histoire du protestantisme est plutôt marquée par une sobriété en opposition à l’exubérance catholique. Les jeux, la danse, l’argent deviennent des sujets prohibés. Tout est tourné vers Dieu. Et si cela ne suffisait pas, le Réveil du xixe siècle est venu renforcer cette tendance à une austérité de façade. Les protestants s’habillent en noir, quand même ! Au xvie siècle, et pour les siècles suivants aussi, le noir est la couleur la plus difficile à obtenir. Les vêtements noirs sont plutôt un signe ostentatoire de fortune. Les protestants sont austères dans leur foi, mais le sont-ils réellement dans leur vie ?
Pour ce qui est de l’humour, la sobriété est toujours le maître-mot. Les protestants peuvent rire mais toujours une bible à la main. Un humour tourné vers les jeux de mots bibliques qui ne peuvent être compris que par eux… peut-être une forme de reconnaissance mystérieuse, comme la croix huguenote !
Humour ecclésial
« Le culte, c’est triste, on ne rigole pas beaucoup durant la prédication ! » Effectivement, nos cultes ne sont pas le lieu de fous rires remarquables ! D’un autre côté, ce n’est pas l’essence du culte d’être drôle. Ce n’est pas le lieu d’un stand-up, d’un spectacle d’humour. Qu’attend-on d’un culte : une nourriture spirituelle, un partage communautaire, etc., pas de se tordre de rire. Parfois un prédicateur aventureux va tenter une blague… et bien souvent elle va tomber à l’eau. Non, ce n’est pas le lieu du rire… mais le culte est pourtant un temps, un lieu où la vie a toute sa place, où l’on célèbre ce don si merveilleux qu’est la vie. Et dans la vie, il y a de tout : du sérieux, du méditatif, du joyeux et parfois du très joyeux qui vire au rire ! Si le culte n’est pas une clownerie, l’humour peut cependant y trouver sa place.
La vie ecclésiale, communautaire ne se résume pas au seul culte, il y a tous les temps de rencontre, les réunions et surtout les repas ! C’est d’ailleurs bien souvent durant ces temps de vie informels que les éclats de rire retentissent, à l’improviste pour une phrase mal comprise, une langue qui fourche, une anecdote racontée, etc., sans préméditation.
Autodérision
Si le culte n’est pas le lieu d’un stand-up comico-spirituel et n’est pas le reflet évident de l’humour chez les protestants, il n’en demeure pas moins que les protestants peuvent rire !
Connaissez-vous des humoristes, chroniqueurs radio ou télé protestants ? Non, car en général, ils ne mettent pas en avant leur identité protestante. Il y a donc des protestants qui ont fait de l’humour leur métier. D’une manière générale, les protestants se fondent dans la société ; question humour c’est la même chose. Aujourd’hui, dans le milieu de l’humour, on rit de la vie quotidienne, des petits tracas, on se moque non des autres mais de soi-même. Oui, aujourd’hui, l’autodérision est de mise. Humour narcissique, autocentré ou sécurisé ? En fait, quand on se moque de soi-même, on est sûr de ne pas faire de tort aux autres, de ne pas déraper.
« On ne peut plus rien dire… on ne peut plus rire ! » Si, si, on peut toujours, mais effectivement, l’humour du mépris ou de la haine n’est plus le bienvenu. On peut certainement se réjouir de ce que l’humour potache des années 1980, raciste, homophobe, misogyne, etc., ne fasse plus recette. Aujourd’hui, on accepte de ne plus détourner l’attention de ses propres travers, on fait de sa vie, de son quotidien le sujet de facéties qui rassemblent au-delà de tout clivage.
Alors oui, les protestants ont de l’humour, ils ont surtout de l’autodérision. Nous sommes les premiers à rire de nos travers et il y a de quoi faire ! N’oublions jamais de rire !