Maroc

Rencontre universitaire par-delà la Méditerranée

01 mai 2018

Une découverte des « Grands débats de l’Islam contemporain » avec Rachid Saadi, professeur associé à l’Institut œcuménique de théologie Al-Mowafaqa à Rabat, Maroc.

Pendant une semaine (du 18 au 25 mars), l’Institut protestant de théologie (IPT) était en voyage d’étude au Maroc, pour faire la connaissance des étudiants et enseignants de l’institut œcuménique de théologie Al-Mowafaqa à Rabat. Durant ce séjour marocain, le groupe de l’IPT, composé d’une quarantaine d’étudiants et d’enseignants de Paris et Montpellier, a eu l’occasion d’assister à plusieurs conférences. J’aimerais revenir en particulier sur le cours animé et passionnant de Rachid Saadi, professeur associé à l’institut Al-Mowafaqa. Il nous a présenté le projet des grands réformateurs de l’Islam, qui s’inspire de la réforme protestante afin de repenser l’Islam.

Rencontre à Rabat entre étudiants (© IPT)

 

Penser une réforme de l’Islam

Au-delà du panorama historique impressionnant que Rachid Saadi nous a proposé, sa réflexion sur le projet réformateur musulman en termes d’impensable et de pensable me semble particulièrement intéressante. Il a souligné que, pour l’orthodoxie islamiste, les diverses lectures réformistes, qui ont traversé l’histoire de l’Islam et qui continuent à ce jour, sont tout simplement impensables. Pour les mouvements réformateurs, il s’agit de faire bouger les frontières du pensable et de l’impensable, à travers une série de chocs cognitifs. Par exemple, le projet réformateur cherche à replacer le Coran dans l’histoire.

Le Coran est un produit littéraire, culturel et historique et il faut l’analyser en tant que tel. Il s’agit de distinguer trois niveaux dans la compréhension du Coran : le premier niveau est celui de la parole de Dieu, le livre céleste. Le deuxième niveau est la transmission orale de cette parole de Dieu au prophète. Le troisième niveau correspond au texte écrit, issu d’un processus historique. L’orthodoxie musulmane assimile le troisième niveau au premier, et affirme le postulat théologique du Coran incréé et éternel, avec une interprétation verrouillée. Le projet réformateur cherche à distinguer à nouveau ces trois niveaux, et à montrer que si le message peut être sacré, le texte transmis ne l’est pas, et doit être critiqué et analysé dans son contexte historique. En ouvrant le débat sur l’historicité du Coran, les limites du pensable et de l’impensable sont modifiées très progressivement.

 

Penser notre propre pratique en miroir

Ce cours nous a donné l’occasion de découvrir la richesse intellectuelle de la réflexion réformatrice sur l’Islam et le Coran, et le dynamisme des penseurs musulmans qui cherchent à transformer l’Islam. Il a aussi suscité des effets miroir pour nous inviter à réfléchir à notre propre pratique de lecture de la Bible, bien souvent marquée elle aussi, par les crispations qui traversent la lecture orthodoxe musulmane du Coran.

 

Valérie NICOLET,
Institut protestant de théologie, faculté de Paris

Commentaires