Parler d'eux, parler avec eux
Tous les mots sont piégés quand l'histoire est difficile à digérer.
Tous les mots sont piégés quand l'histoire est difficile à digérer. Dans ce numéro d'avril, nous pensions parler des Roms et ce sont finalement les gens du voyage français qui nous ont retenus. Parce qu'ils sont là depuis longtemps, qu'ils ont quelque relation avec le protestantisme. Et parce que leur situation est loin d'être paisible, en France, dans leur pays.
Parler de « minorité » concernant ces groupes de personnes est un passage obligé pour faciliter les représentations, mais ça leur colle une méchante image d'éternels enfants ou demi-citoyens. Parler de Tsiganes, de Gitans, de nomades, pour ceux qui le sont ? Aucun de ces termes n'est exempt des duretés qu'ils ont eu à subir au cours de l'Histoire. Parler des prisons ? Eh oui, il est une évidence que trop d'hommes issus de ces familles se trouvent sous les verrous - parce que le passage de la marginalité sociale aux économies parallèles est un vrai boulevard.
Lorsqu'ils ont tranquillement un métier (ventes officielles sur les marchés, travaux d'artisan etc.), personne n'en fait état, sauf quelque reportage exceptionnel. Lorsqu'ils « trafiquent » et sont exposés dans les médias, la réalité de la débrouille rejoint le cliché raciste. Dans un cas comme dans l'autre, on sait maintenant trop bien quels déferlements de haine et d'imbécillité peuvent se déclencher en écho.
Amis des Tziganes, c'est le nom d'une association protestante. Cela pourrait devenir un slogan, un drapeau, un lobby ! Car il faut que ces familles, ces groupes - qu'ils soient d'origine gitane, manouche, rom - sortent enfin de ce qui ressemble encore, pour les moins précaires, à une relégation imaginaire. Et, dans le même temps, il s'agit de faire avancer la cause des Roms d'Europe centrale, les plus accablés de misère.
Séverine Daudé
Rédactrice en chef d'Echanges