Entre drame et dérision

La mort dans la publicité

01 novembre 2016

Une campagne de publicité veut rarement angoisser ou attrister. Le terme même de mort est soigneusement évité au profit d’autres, évoquant un grand départ serein. Pourtant, rappeler au consommateur sa propre mortalité est un mécanisme qui se révèle très rentable pour l’encourager à acheter des produits.

Après enquête, la revue Psychology and Marketing rapportait que jouer sur l’angoisse de la mort encouragerait à la consommation. Parler directement des peurs inconscientes des consommateurs était plus efficace que la persuasion rationnelle, même si le procédé semble peu éthique et fait occasionnellement parler de lui… Et si justement, ce risque était lui aussi, calculé ?

 

Pas n’importe quand

Un géant américain de l’assurance a été attaqué sur les réseaux sociaux, pour une publicité sur les enfants victimes d’accidents évitables, diffusée lors du Super Bowl. Elle présentait un jeune garçon qui déclarait : « Je n’ai pas pu grandir, car je suis mort dans un accident » ; ce dernier regrettant ne plus jamais pouvoir faire du vélo, se marier ou voir le monde. Suivaient les images troublantes d’une baignoire qui déborde, de produits de nettoyage sous un évier, et d’une télévision à écran plat tombée sur le sol. « Les accidents que l’on peut prévenir sont la première cause de mort d’enfants », ajoutait le spot. L’assureur Nationwide a affirmé vouloir lancer une discussion sur ces accidents évitables, qui tuent un enfant chaque heure aux États-Unis.

Une manipulation des émotions pour le profit est intolérable ont réagi les réseaux sociaux. Les Américains, réunis autour de l’événement sportif de l’année, n’étaient pas d’humeur à se laisser interpeller par un problème sociétal, exposé sur un ton moraliste. Même dans la publicité, il y a des moments spécifiques pour parler de choses sérieuses, angoissantes, mortelles. La mort est certes un bon atout dans une stratégie publicitaire, mais mieux vaut éviter les temps de célébration et de fête pour traiter de la notion de danger, d’accident ou de souffrance.

 

Pas n’importe comment

Peut-on rire de tout ? La publicité n’a que faire des limites de la bienséance ou des questions éthiques. Certaines campagnes publicitaires ne reculent devant aucun outrage, aucune grosse ficelle pour vanter des produits. La mort peut être tournée en ridicule. Cependant, la publicité est tenue de respecter des règles culturelles précises. La censure veille. Parfois, la mort évoquée à coup d’humour maniant l’autodérision se met au service de certains produits et marques connus pour les problèmes de santé qu’ils peuvent causer (comme l’alcool, pour ne citer que lui). Autrement dit, ridiculisée ou prise très au sérieux, la mort dans la publicité a encore de beaux castings devant elle !

Anne HEIRMERDINGER
Pasteur du Littoral

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