L’extrême droite : Le masque et la plume
L’extrême droite est devenue un sujet d’actualité. Ses succès en Europe m’interpellent. Son arrivée au pouvoir en Israël me sidère. Mais comment la définir ? Faut-il s’inquiéter de ses succès ? Comment les expliquer ?
Le socle idéologique de l’extrême droite repose sur des fondamentaux : le patriotisme qui devient nationalisme ; la sécurité, quitte à limiter les libertés ; le rejet de l’autre – étranger, migrant, musulman. Mais pour classer un parti à l’extrême droite il faut un dernier critère : le non-respect de l’État de droit. L’extrême droite est antidémocratique. Là est son essence. Là est le danger. Pourtant le succès est au rendez-vous. Quelles sont ses stratégies gagnantes ?
Au nom de l’ordre
« Une population en proie à la peur exige d’être protégée. » La peur est une émotion des plus fortes qui active en nous le réflexe de survie nous faisant perdre tout discernement. La guerre en Tchétchénie, qualifiée d’opération antiterroriste, permet à Poutine de forger l’image d’un homme fort. Sous couvert de lutte antiterroriste, il réduit les libertés, faisant de la démocratie une coquille vide. La sécurité n’est pas un objectif mais bien un moyen, celui d’asseoir le pouvoir d’un autocrate. Les prises d’otages, à Moscou et Beslan, révèlent le peu d’intérêt du pouvoir pour la sécurité de ses citoyens. L’État fort devient une valeur « en soi » et non un outil au service de la protection des citoyens.
De l’exclusion à l’inclusion
En 2009 une affiche de l’UDC1 précisait : « Le CEVA1 ? Un nouveau moyen de transport pour la racaille d’Annemasse ! Expulsons les criminels étrangers ! Ne leur offrons pas encore un accès à Genève ! Votons UDC ! » Le parti cible la « racaille d’Annemasse », donc les Français. Dénonçant le projet ferroviaire, l’affiche renvoie aux travailleurs transfrontaliers. La mécanique de l’exclusion est claire : l’« autre » est un intrus, un nuisible, un danger. Il faut donc s’en méfier, le mettre à distance. Mais si l’autre est exclu, moi je suis inclus. En ce sens, l’exclusion/inclusion est une remarquable matrice des identités.
La stratégie du caméléon
Le discours de l’extrême droite, très malléable, suit au plus près les préoccupations des électeurs. Le cas d’école est celui de la Ligue (du Nord). Le parti italien est apparu en prônant l’indépendance du Nord, riche et travailleur, face au Sud, assisté et mafieux. Le succès est au rendez-vous, mais uniquement au Nord, d’où un changement radical de paradigme qui me stupéfait. Désormais, la Ligue dénonce les migrants qui menacent l’ensemble des Italiens… en particulier ceux du Sud !
Imposer son narratif
La force de l’extrême droite consiste à imposer son discours. Le « grand récit » donne sens au monde. La nation est menacée par les élites, la mondialisation, les vagues migratoires. Il faut donc la protéger et lui trouver un sauveur. Des expressions donnent corps à ce récit : grand remplacement, submersion migratoire, francocide… Des faits divers devenus faits de société le rendent crédible.
Plus que la politique de l’extrême droite, ce sont ses intentions qui m’inquiètent. La situation en Russie nous rappelle que le danger est bien réel pour nous et nos proches. Les discours lénifiants ne doivent pas nous endormir.
En savoir plus
1. notes
UDC : extrême droite suisse.
CEVA : liaison ferroviaire Genève-Annemasse