Faire cercle
Nous "faisons cercle" le plus souvent pour protéger, pour célébrer, pour compatir. On peut y voir la forme que prend spontanément une communauté d'esprit et d'attention. "Faire cercle" a inspiré une façon protestante de penser la ville.
Lorsque les protestants pouvaient construire des places fortes en France, avant l’édit de Nantes, ils réfléchirent à la forme que devait prendre une ville fortifiée. Un traité publié en 1595 montre une série de villes fortifiées idéales du point de vue d’un mathématicien protestant. La circularité des villes suit la logique militaire de cette époque, mais cette circularité est interprétée dans la forme des villes d’une façon originale.
Faire cercle autour des plus faibles
Au centre des plans de ville exposés dans le traité, on trouve la population, logée dans des bâtiments qui entourent une place et une fontaine. La ville à 16 côtés est un bon exemple. Les bâtiments d’habitation indifférenciés entourent la place et la fontaine en suivant une distribution orthogonale par carrés. Puis vient une couronne circulaire d’institutions et de palais. Enfin les ouvrages de fortification entourent la ville, ponctués par une citadelle. Nous voyons dans ce plan que les institutions et palais sont plus du côté de ce qui entoure et protège que du côté de ce qui est protégé. N’importe quel habitant qui vient sur la place de la ville se trouve donc au centre d’une communauté structurée où la population est protégée par les institutions et par les fortifications, qui « font cercle ». Dans ce cercle, deux temples sont représentés, associés l’un et l’autre à un hôpital. Ils sont les seuls bâtiments élevés, dotés d’une toiture singulière. Nous avons là une façon originale de situer la religion dans la communauté d’une ville.
D’une communauté à l’autre
Le détail des temples est donné dans le traité. Ils ont un plan carré concentrique. Au centre, sur des bancs, les femmes et les personnes fragiles, puis, autour, les aristocrates sur des sièges distincts, et derrière eux les hommes, sur des gradins contre les murs. Vous constatez la même logique entre plan de ville et plan de temple. La disposition de la ville se retrouve dans la disposition du temple. Mais dans le temple la chaire est disposée en vis-à-vis de l’entrée/sortie, comme au Collet-de-Dèze, avec une structure portant la toiture qui relie chaire et entrée/sortie.
Ainsi la communauté autour des plus faibles est-elle abritée et ouverte par le dispositif reliant l’annonce de la parole de Dieu et l’espace extérieur. Le temple se sert donc de l’analogie entre temple et ville pour désigner la parole de Dieu comme lien ultime de la ville et ouverture au-delà de ses murs.
Cette fonction de la parole de Dieu est reprise dans les dessins par l’inscription autour de tous les plans de ville d’un texte biblique qui longe l’extérieur des remparts ou les bords de la page. Le texte choisi, qui « fait cercle » lui aussi en quelque sorte, exprime ce qui fait communauté et nuance l’idée que l’on peut se faire d’une ville bien fortifiée. Ainsi, celui qui entoure la ville à 16 côtés nous dit :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur de toute ton âme et de tout ton entendement, c’est le premier et le grand commandement et le second semblable a icelui est tu aimeras ton prochain comme toi-même. »