Femmes protestantes (7)  

Eugénie Bost et les handicapés de La Force. Les diaconesses et leur engagement

28 août 2018

Avec le Réveil du XIXe siècle, les œuvres. Tous les mois, nous partons à la rencontre d’une femme qui a marqué l’histoire du protestantisme par son engagement, son charisme et ses idées novatrices. Éducation, théologie, santé, nous retrouvons ces femmes dans leur quotidien de foi.

Au cours de ce XIXe siècle où le protestantisme enfin reconnu en France vit une vraie renaissance, un Réveil venu de l’étranger (surtout de Suisse et du Royaume-Uni) touche de nombreuses paroisses. « Le souci majeur est toujours d’insuffler dans une piété trop formelle, sans saveur ni ferveur, une piété vivante et missionnaire. » Les œuvres protestantes dans tous les domaines vont fleurir. Les femmes, qui cherchent leur place dans la société, sont très actives. Les unes partagent la tâche de leur mari ; c’est le cas d’Eugénie Bost. D’autres réinventent dans le célibat un engagement tout différent, grâce à l’apparition des diaconesses.

(© DR)

 

Eugénie Bost

Parlons d’abord d’Eugénie (1834-1887), l’épouse de John Bost (1817-1881).

Elle est la fille du pasteur Ponterie, libriste (détaché du statut concordataire de l’Église réformée), héritier d’une grande propriété. La vie d’Eugénie est associée à celle de John Bost qu’elle aime et admire depuis longtemps. Elle l’épouse en juillet 1861. Il est l’un des fils du revivaliste suisse Ami Bost (1790-1874). Tout jeune, il a renoncé à une carrière de pianiste encouragée par Liszt. Devenu pasteur de la petite paroisse de La Force, près de Bergerac, il se consacre depuis des années (le premier Asile date de 1848) aux plus déshérités de la société. Choqué par l’abandon des orphelins, le rejet des simples d’esprit, l’enfermement des malades mentaux, il a commencé une œuvre à laquelle Eugénie participe totalement. Elle travaille trop, s’épuise souvent. Tâche écrasante qui ne cesse de se développer. Ouvrir des maisons, lieux d’accueil où tous ces rejetés puissent connaître sécurité, joie spirituelle. Bâtir, s’ouvrir à d’autres, oubliés, diriger (elle le fait en son absence), veiller à tout. Il y a neuf Asiles en fonctionnement et plus de 400 résidents à la mort de John.

Eugénie, « Femme de tête, de cœur et de foi » a mis toutes ses forces et ses qualités au service de leur mission commune. Elle a élevé et instruit elle-même leurs trois enfants, tout en restant le bras droit de son époux dans ces Asiles de La Force, qu’ils ont inventés, animés, aimés. Originaux alors, développés (plus de 30 maisons à présent), reconnus par l’État, ils sont toujours en activité.

Les diaconesses

Pour d’autres femmes désireuses de donner leur vie au Seigneur, c’est un engagement fort différent que permet la création des Diaconesses protestantes. Dès 1836, elles existent en Allemagne. En France l’initiative vient de Caroline Malvesin (née en1806) avec l’aide du pasteur Antoine Vermeil. Il ne s’agit pas de revenir aux couvents, supprimés par Luther. Les diaconesses mettent toute leur compassion à diverses tâches, surtout celles que personne n’assume : accueil de prostituées, ou de prisonnières, enseignement de fillettes pauvres, soins infirmiers. Depuis 175 ans, la communauté de Reuilly (1841), puis celle de Strasbourg (1842, avec le pasteur Franz Haerter), puis d’autres répondent au désir de nombreuses chrétiennes de se consacrer à Dieu. Le ministère pastoral leur étant fermé, elles s’investissent en communauté dans ces tâches de charité. Au cours du XXe siècle, les sœurs mettent de plus en plus l’accent sur la louange, la prière, les retraites, l’écoute de personnes en recherche.

À la fin du XIXe siècle le bilan est impressionnant des œuvres fondées par les protestants ayant discerné les besoins d’une société en mutation. Saurons-nous en faire autant ?

 

Marjolaine CHEVALLIER,
maître de conférence honoraire à la faculté de théologie de Strasbourg

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