Cinéma

Ad Astra

01 novembre 2019

Ad Astra, un film de James Gray.
Sortie le 18
 septembre 2019. 2h04.

À la suite de Kubrick et son 2001, les odyssées de l’espace sont récurrentes dans la production hollywoodienne. James Gray, comme avant lui Alfonso Cuaron (Gravity) ou Christopher Nolan (Interstellar), en fait une métaphore de la quête de soi.

Roy McBride, astronaute, a pour père un héros de la nation, qui a fait le sacrifice de sa vie sur Terre pour aller chercher au-delà de Neptune des traces d’une vie extraterrestre. On confie à son fils la mission d’aller retrouver la trace du père, toujours vivant, mais devenu un danger pour l’humanité tout entière. Comme dans Apocalypse now (un des films de chevet de Gray), il faut donc tuer une figure paternelle devenue folle.

Une chute spectaculaire, d’une station orbitale, ouvre le film. Roy McBride (Brad Pitt, impeccable) y démontre son sang-froid et survit miraculeusement. Mais ce contrôle de soi dissimule en réalité une inaptitude à ressentir, à être « dans » la vie – une forme de dépression mutique. Son voyage est donc intérieur autant que cosmique (la Lune, puis Mars, puis Neptune), non plus icarien, mais œdipien : comment comprendre l’abandon du père, autant que sa chute morale ? Gray en profite pour montrer une face bien sombre de notre espèce : « Nous sommes des dévoreurs de monde », lâche McBride en retrouvant à la surface de la Lune la même lutte âpre pour le contrôle des minerais et ressources que sur Terre. SpaceCom, l’entreprise qui l’emploie, manifeste un mépris de la vie humaine sans limites ; son personnel est contrôlé par des « évaluations psychologiques » aussi incessantes qu’effrayantes, menées par des intelligences artificielles.

Le dénouement est austère : l’affrontement avec un père misanthrope et désespéré (Tommy Lee Jones) refuse le spectaculaire, comme le choix final de McBride. La dimension métaphysique d’Ad Astra se niche davantage au cœur de plans de l’immensité stellaire d’une beauté à couper le souffle. C’est par eux et par sa lenteur contemplative que le film trouve sa poésie et exprime finalement un humanisme lucide, lorsque son héros tourne enfin son regard vers les autres.

Phillippe Arnaud

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